RECUEIL

PRÉSENTÉ PAR : Robert Aimé

 


AVEC LA COLLABORATION DE : Fernand GUILLIER

et le concours de plusieurs mémoires, en particulier :

Louise MARTIN-AIMé

Alice GAUTHIER, André MARTIN, Pierre VERNET et sa mère Marianne.

Nous remercions également les personnes qui ont apporté telle précision sur un personnage de leur connaissance .

Remerciements aussi pour le bon accueil réservé en Mairie .

Dessin Page d'Accueil : Sylvianne AIMé

NOTA : Ce recueil n'ayant aucun caractère commercial et étant réalisé avec les moyens du bord, il n'y a évidemment pas de "système de distribution"... On le donne au hasard d'une rencontre, d'un entretien; les personnes qui en désirent nous en demandent, soit directement, soit par l'intermédiaire de voisins ou amis qui en ont déjà un.

 

JUILLET 1977

" LA MEMOIRE EST UN MAGASIN PLUS FOURNI DE MATIERE QUE D'INVENTION ".

MONTAIGNE

On ne coupe pas ainsi avec le passé et ce n'est d'ailleurs pas souhaitable. Il n'est de jour que l'on n'évoque tel personnage disparu, sa personnalité, ses manies, ses farces, ses humeurs. ou ses boutades. Mais qui pourrait se souvenir de la centaine de sobriquets attribués à TRUCY et surtout d'y mettre un nom à coup sûr?

C'est dans cet esprit que ce recueil, tout comme le premier, est présenté : tenter de faire revivre des aspects du passé trucycois ; afin de faciliter le souvenir du lecteur, nous avons essayé de situer géographiquement les surnommés (en général, le dernier domicile habité).

Les plus anciens personnages étant nés il y a un siècle et demi, il a été nécessaire d'établir des arbres généalogiques à partir de sources officielles (tombes, registres, correspondances avec les mairies concernées) et, bien entendu, grâce aussi aux témoignages de plusieurs personnes pour qui, d'ailleurs, ces souvenirs ravivés furent toujours un bon moment ...

Malgré ce long travail et ces excellentes mémoires, nous nous sommes heurtés aux plus grandes difficultés quant à l'origine des sobriquets ; ainsi nombre d'entre eux resteront à l'état d'énigme si l'on exclut, bien sûr, toute imagination excessive que nous avons voulu éviter ; nous noterons parfois des indications, des suppositions du domaine du possible pour éveiller la mémoire de tout descendant ou témoin.

Si ce recueil avait été tenté il y a 20 ans, la tâche aurait sans doute été plus facile ; toutefois, il est à noter que, bien souvent, les descendants eux-mêmes ignorent pourquoi leur ancêtre a été ainsi surnommé.

De toute façon, nous espérons que ce recueil ne sera pas une fin en soi et qu'à partir de ses données, il suscitera, au contraire, un intérêt partagé et nous apportera toutes précisions ou rectifications qui nous donneraient le plaisir de publier un additif.

Légende de la photo: Comme on le voit la mixité n'était pas à l'ordre du jour en I911. Les filles, bien d'un côté, de gauche à droite: Louise MARTIN, Marie-Louise CORNETTE., Renée PINON, Marie SUZEAU; et les garçons: Maurice CORNETTE, Fernand GAFFARD, Alfred CORNETTE, Emile CORNETTE, Maurice GAUTHIER.

Rien ne peut arrêter le temps, qui entraîne avec lui tout ce qui parait le plus immobile.

(FENELON)

Avec le temps, il semble que l'on utilise indifféremment surnom et sobriquet pour la même signification. Autrefois, si l'on en croit le merveilleux dictionnaire LA CHATRE, le surnom était un nom ajouté - au nom propre alors que le sobriquet ( épithète ordinairement satirique, dit-il) se substituait au nom propre, allant même parfois jusqu' à 1'évincer et le faire tomber dans l'oubli, d'où la difficulté première d' établir une relation entre le sobriquet et le nom réel de la personne surnommée. Cette appréciation très exacte se confirma pour nous car notre obstacle tout premier et essentiel fut d'identifier "le surnommé ".

La certitude, c'est que surnoms et sobriquets furent souvent à l'origine des noms de familles (patronymes) ainsi qu'en témoignent les LEBLANC, LENOIR, LEBRUN, LEROUX, LEBORGNE, BOULANGER, CHARPENTIER, etc...

De sérieuses études ont été faites dans ce domaine et nous citerons, au passage, Albert DAUZAT -dont nous reparlons plus loin- et Paul LEBEL, auteur du livre "LES NOMS DE PERSONNES EN FRANCE" (Collection "Que sais-je?"). Dans la 7 ° édition, revue par Charles ROSTAING, professeur à l'Université de Paris, on y cite une enquête, analogue à notre recherche, effectuée par L. LOGEAT sur les sobriquets de NAN-sous-THIL et ses environs (Côte d'Or). Une référence semble indiquer que cette enquête date de 1940, ce qui expliquerait qu'il ait pu retrouver des origines de sobriquets résultant d'incroyables déformations successives ( voir exemples à la fin de cette introduction).

Nous reproduisons la classification définie par L. LOGEAT et y ajoutons quelques surnoms de TRUCY s'appliquant à chaque catégorie afin de confirmer que cette classifica tion "doit pouvoir s'étendre à toute la France ", ainsi que le dit LEBEL.

1) surnom provenant de particularités physiques ou morales : le Dragon, le Gros, le Menteux ...

2) surnom rappelant l'origine géographique : la Berrichonne, le Chinois, Fauvrelle ...

3) surnoms de métiers : le Berbiquier, Calicot, l'Houttier, le Mitron ...

4) surnoms datant de l'enfance : Basset, Bébé, Riquet, le Valet de Carreau ...

5) surnoms provenant de particularités de langage ou d'habitudes diverses : le Bêleux, Patience, Court-Toujours, la Galette ...

6) surnoms donnés par analogie : le Cardinal, Porthos, Védrines ...

7) surnoms provenant d'une anecdote : Capsule, la Fraicheur, la Musique ...

Nous sommes également d'accord avec l'appréciation de P. LEBEL quand il dit, parlant de diverses enquêtes: "Mais il faut bien se persuader que les explications des surnoms modernes ne s'inventent pas ; on les apprend de la bouche même de ceux qui les portent ou de voisins bien au courant de leur origine.

En ce qui nous concerne, on ne peut véritablement parler d'enquête... terme s'appliquant davantage au travail d' éléments extérieurs au pays, fusse-t-il proche. Si nous voulions faire ce même recueil sur CORVOL ou OISY, déjà ... ce serait une sorte d'enquête. Etant nous-mêmes du pays, de plusieurs générations, nous avons été "bercés" par ces noms, ces histoires et nous avons également connu bon nombre des personnages surnommés. Cela fait partie de notre enfance et de nos souvenirs.

TRUCY n'a certes pas l'exclusivité des sobriquets bien que l'on serait tenté de le croire par le nombre qui fut décerné ...Les témoignages de personnes originaires d'autres régions de France et aussi de pays étrangers confirment que le sobriquet est universel .

Toutefois, il est permis de penser que nous nous situons au dessus de la moyenne. Pourquoi? La pratique généralisée des sobriquets à une certaine époque s'explique parfaitement; il fallait se distinguer les uns des autres, soit au sein d'une famille (sacré travail quand, entre 1820 et 1850, environ un tiers des habitants de TRUCY se prénommaient EDME ! ) soit au sein du village en raison d'une homonymie courante.

Par ailleurs, le sens de l'humour, de l'ironie et de la raillerie a toujours été bien vivant y compris, bien entendu, à TRUCY.

L' élément supplémentaire qui nous semble avoir pu jouer à TRUCY, c'est que les fameux "berloquiers" étaient à la pointe du combat pour surnommer, ou populariser le surnom, et si l'on constate des différences entre certains villages, c'est que d'aucuns, n'avaient pas la chance de compter ces joyeux lurons un peu frondeurs, mais sans méchanceté .

Il ne faudrait pas conclure que l' ère des sobriquets appartient totalement au passé et que tout s'est arrêté en 1900 ... .Si nous nous sommes volontairement limités à ne présenter que des surnoms concernant des personnages décédés, nous pourrions déjà établir une bonne liste de sobriquets pour les générations suivantes. Car si les problèmes de distinction se sont estompés, l'ironie demeure fort heureusement. Et sans vouloir anticiper sur le recueil que feront nos descendants bien après l'An 2000, disons leur qu'il y a déjà matière (Nioul, Sunil, Cartouche, Feuillette, Golden ...)

Aux suivants!..

Ci-dessous reproduction de quelques origines de sobriquets relevées dans l'enquête précitée .

Le proviseur d'un lycée de province était surnommé !a Biche par les élèves. On se perdrait en conjectures sur l'origine de cette dénomination si l'on n'était pas au courant. Le proviseur avait une certaine prestance, bien qu'il fût de petite taille. Un jour qu'il traversait la cour en bombant le torse pour se donner un air plus digne au milieu du petit monde qu'il côtoyait, un lycéen s'écria : « II est fier comme Artaban. » La boutade fut appréciée par les camarades et Artaban devint aussitôt le surnom du proviseur. Pour un temps seulement, car à cette époque la jeunesse estudiantine déformait volontiers les mots et les noms en les affublant d'une finale -iche. Artaban se mua donc en un Artabiche, plus agréable à l'ouïe, mais encore un peu long à articuler. On le réduisit à sa dernière syllabe -biche, ce qui suggéra le féminin la Biche

le Brota avait une femme qui employait le mot patois broie « bruine », déjà tombé en désuétude ; elle devint le Brote et son mari le Brota (litt. le Brotard) ; l'Odiche s'appelait Auguste, mais sa petite sœur encore incapable de prononcer correctement ce nom, balbutiait odice, d'où l'on fit Odiche ; le Toupoul était enfant au moment du siège de Sébastopol, nom qu'il articulait Toupoul ; le Capote était un homme qui, au jeu de piquet, avait la manie de dire à son partenaire : « Tu es capot, tu capotes » ; Marie Tipossible abusait vraiment de l'exclamation : « C'est-il possible ! le Français répondait invariablement : « Oui, car je suis Français » à la question : « Est-ce que tu feras un soldat ? » que l'on se plaisait à lui poser quand il était jeune. Ce brave eut les deux jambes emportées par un boulet à Lutzen.

Dans le même village, vers 1880, un cantonnier nomme Louis Rauguille avait une prédilection particulière pour le vin. Aussi avait-il appelé ses deux chiens Boitonrien et Vonnousan, c'est-à-dire " ne boit-on rien ? " et " allons-nous-en ". Ces deux bêtes l'accompagnaient chez les administrés qn'il visitait. Si on ne lui avait pas offert à boire, il appelait Boitonrien et ensuite Vonnousan, si l'interlocuteur ne répondait pas à cette demande déguisée. Boitonrien, nom de chien, devint le surnom du facétieux cantonnier.

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