La piteta et le loup

(conte en patois d'Usson)

Ein co, ly aya na piteta qu'anava vire sa grand'mère; aya ein pite pagnelou ante ly ayont bouta deguiens ein pite burou et de froumadjous. quand fugué en tchami, rencountré le loup que gli digué : von vas piteta ?

- Vaou vire ma grand'mère.

- Que gli porté, piteta ?

- Ein burou et de froumadjous.

- De quun tchami volis passâ ? d'aque de las peirettas ou de las épieunettas ?

- D'aque de las épieunettas, per gny n'en pourta.

- Mas ton panier t'empeitara. Baila-me, ieu te le pourtarai. Vaou passâ d'aque de las peirettas, et nous troubarens vè la porta de ta grand'mère.

La piteta gli bailé le panier. Le loup courigué bien per arribâ le proumier. Quand fugué à la porta, tacouné. La grand'mère digué : qual i aquo ?

- Aquou ei votra piteta filla que vous vai vire.

- De que m'addiusi, ma piteta ?

- Ein burou et de froumadjous.

- Téra la bobinetta et le lliquet toumbara.

Le loup le fagué, entré, et quand fugué deguiens, tourné sarrâ la porta et tué la grand'mère. Bouté soun sang guiens vun plat sous la teula, et sa vianda guiens le placard, quand n'agué prou mandza, et s'ané dzeira guiens le lei de la grand'mère.

La piteta arribé, tacouné couma se, et le loup gli gigué : téra la bobinetta, le lliquet toumbara.

- Que m'addiusi, ma piteat? gli digué le loup.

- Vous addiuse d'épieunettas. Vous addiuya ein burou et de froumadjous; ai trouba le loup que me lous a preis. Aya péure que me mandzesse et gli lous ai dunna.

- As bian fait, ma piteta.

- Grand'mêre, ai bian fouan.

- Bada le placard, troubaras de vianda guiens vun plat, et la mandzaras.

Le loup gli digué le temps que mandzava :

- Mandze la tchar de ta grand'mêre !

- Que dézé, grand'mêre? que mandza votra tchar!

- Te déze de bian t'accoueitâ per te vignî coutchâ.

- Grand'mêre, ai bian se.

- Bieuva guiens daquel plat qu'ei sous la teula.

Quand buvia, le loup gli digué :

- Bieuvis le sang de ta grand'mêre!

- Ah! grand'mêre, de que diezé? que bieuve votre sang !

- Non, te dieze qu'ai cent ans.

- Grand'mêre, ai bian souan.

- Vène te coutchâ dzauta ieu.

Quand la piteta fugué guiens le lei, troubé de tchambas tuttas bourruas.

- Grand'mêre, qu'avez de bourra per las tchambas?

- Aquou ei de vegliessa, de trainessa. Ai tant traina per le béu et per las terras.

- Grand'mêre, qu'avez las onglas londzas?

- Aquou ei la vegliessa, etc...

- Grand'mêre, avez las dents tant londzas?

- Aquou ei per te mandzâ.

Et le loup mandze la piteta, et se n'ané bian counteint.

Einque, quand troubaris per lous tchamis n'homme que vous véudra pourtâ votre pagnelou, l'acoutaris pas, faris votre tchami, perçaque vous poueira mandzâ.

TRADUCTION

Il y avait une fois une petite fille qui allait voir sa grand'mère. Elle avait un petit panier où on lui avait mis une molette de beurre et des petits fromages. Quand elle fut en chemin, elle rencontra le loup qui lui dit :

- Où vas-tu, petite ?

- Je vais voir ma grand'mère.

- Que lui portes-tu, petite ?

- Du beurre et des fromages.

- Par quel chemin veux-tu passer ? par celui des petites pierres ou par celui des épingles ?

- Par celui des épingles, pour lui en porter.

- Mais ton panier t'embarrassera. Donne-le moi, je te le porterai. Je veux passer par le chemin des pierres, et nous nous retrouverons à la porte de ta grand'mère.

La petite lui donna le panier. Le loup courut pour arriver le premier. Quand il fut à la porte, il frappa. La grand'mère dit : qui est-ce ?

- C'est votre petite fille qui vient vous voir.

- Que m'apportes-tu, ma petite ?

- Du beurre et des fromages.

- Tire la bobinette et le loquet tombera.

Le loup le fit, entra, et quand il fut dedans, referma la porte et tua la grand'mère. Il mit son sang dans un plat, sous la table, et sa chair dans le placard, quand il en eut assez mangé. Puis il alla se coucher dans le lit de la grand'mère.

La petite arriva, frappa comme lui, et le loup lui dit : tire la bobinette, le loquet tombera.

- Que m'apportes-tu, ma petite ?

- Je vous apporte des épingles. Je vous apportais du beurre et du fromage; j'ai trouvé le loup qui me les a pris. J'avais peur qu'il me mange et je les lui ai donnés.

- Tu as bien fait, ma petite.

- Grand'mère, j'ai bien faim.

- Ouvre le placard, tu trouveras de la viande dans un plat et tu en mangeras.

Et pendant qu'elle mangeait, le loup lui dit :

- Tu manges la chair de ta grand'mère !

- Que dites-vous, grand-mère? que je mange votre chair !

- Je te dis de te dépêcher pour venir te coucher.

Grand'mère, j'ai bien soif.

- Bois dans le plat qui est sous la table.

Et pendant qu'elle buvait, le loup lui dit

- Tu bois le sang de ta grand'mère.

- Oh! grand'mère, que dites-vous? que je bois votre sang !

- Non, je te dis que j'ai cent ans.

- Grand'mère, j'ai bien sommeil.

- Viens te coucher près de moi.

Quand la petite fut dans le lit, elle trouva ses jambes toutes velues.

- Grand'mère, que vous avez les jambes velues ?

- C'est de vieillesse et de fatigue. J'ai tant trainé dans les bois et dans les terres.

- Grand'mère, que vous avez les ongles longs ?

- C'est de vieillesse, etc...

- Grand'mère, que vous avez les dents longues ?

- C'est pour te manger.

Le loup mangea la petite et s'en alla content.

Ainsi, quand vous trouverez par les chemins un homme qui voudra porter votre panier, vous ne l'écouterez pas, mais vous ferez votre chemin, parce qu'il pourrait bien vous manger.

 

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